LES PROCÈS MILITAIRES 1945

LES PROCÈS MILITAIRES 1945

ORIGINE DES PROCÈS 1945


ORIGINES DES PROCÈS

En décembre 1942, les dirigeants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Union Soviétique publient une déclaration commune où sont clairement mentionnées l'extermination des Juifs d'Europe et la décision conjointe d'en poursuivre les responsables en justice.

Les principaux responsables Allemands durent en effet être jugés pour leurs actes devant un tribunal militaire international (TMI) composé des trois grandes puissances ci-dessus auxquelles s'ajouta la France : il s'agira du retentissant Procès de Nuremberg. Il durera près d'un an (novembre 1945 à octobre 46), les accusés seront au nombre de 22. Les peines s'échelonneront comme suit : 12 condamnations à mort, 3 peines de prison à vie, 4 peines de 10 à 20 ans et 3 acquittements. Ce sera l'occasion d’un (re)connaissance véritable et officielle des réalités de l'Allemagne nazie et de la mise en place de la notion de crime contre l'humanité.

 Après cet évènement considérable, divers procès eurent lieu qui fut ensuite souvent globalisés sous l'appellation  les procès de Nuremberg, formule qu'il faut entendre comme dans la suite du procès de Nuremberg (encore que celui de Lüneburg eut lieu en 1945). D'après le United States Holocaust Memorial, il y en eut douze sous l'égide du TMI entre 46 et 48 (onze entre 46 et 49 d'après le site du Mémorial de la Shoah, qui auraient concerné 185 inculpés et auraient abouti à 120 peines de prison et 35 acquittements). Ils concernaient majoritairement des officiers supérieurs Allemands. En fait, on pourrait les regrouper en trois catégories. D'abord des procès destinés à juger les membres des Einsatzgruppen, puis véritablement les procès des camps, qui eux-mêmes doivent être subdivisés en deux : les tribunaux militaires et ensuite les tribunaux civils (procès pour crimes de guerre destinés à juger essentiellement des officiers, commandants de camps, médecins, gardes). D'après Serge Klarsfeld, on estime que 5.000 criminels furent jugés sur 100.000.

Ce sont les procès des camps qui seront évoqués ici, par ordre chronologique. Les informations sont difficiles à trouver dans ce domaine, j'ai dû éliminer certaines parce que contradictoires, d'autres sont incomplètes ou manquantes. En fait, la situation est rendue assez complexe par l'impossibilité de retrouver la trace de certains accusés. Dans ce cas (fréquent), le procès a lieu tout de même et un nouveau procès est ouvert, souvent plusieurs années plus tard, si l'on retrouve le ou les accusés manquants (c'est le cas par exemple de Franz Stangl pour le procès de Treblinka).
Tel qu'il est prévu, ce site n'a pas vocation à accueillir des informations détaillées sur ces procès. Néanmoins, j'ai une certaine quantité de notes sur ce sujet. Les informations ne sont souvent accessibles qu'en allemand.

Christian Wirth

 Les tribunaux militaires se sont tenus très rapidement, dans la continuité et sous le choc de la découverte de la réalité des camps lors de leur libération. Les accusés étaient les principaux responsables de chaque camp et les peines étaient lourdes, les condamnations à mort n'étaient pas rares mais toujours clairement motivées. Pour les procès civils en revanche, on a souvent laissé passer le temps (parfois jusqu'à 30 ans !) et tout était différent. Les témoins survivants étaient moins nombreux, les SS étaient souvent difficiles à retrouver (morts, enfuis à l'étranger, ou ayant tranquillement refait leur vie, éventuellement sous d'autres identités, mais dans tous les cas avec l'aide de divers soutiens). On ressort des recherches sur ces procès avec la pénible impression que globalement l'Allemagne aurait davantage songé à passer les faits sous silence (durant toute une époque, à partir des années 50) dans un prétendu oubli plutôt qu'à les affronter. Enfin, la clémence des sentences laisse pantois. L'excuse de santé est souvent évoquée pour acquitter des accusés qui mourront un grand nombre d'années plus tard. Un autre exemple (mais on n'a hélas que l'embarras du choix tant les situations se reproduisent) : le bras droit du commandant du camp Christian WIRTH, à Belzec, qui a fait construire le bâtiment aux six chambres à gaz puis a regardé 300.000 Juifs y entrer (on dira pudiquement regardé), outre qu'il ait d'abord prétendu n'avoir jamais mis les pieds à Belzec, comptant sans doute sur le fait qu'aucun survivant ne pourrait être là pour le contredire, a ensuite tenté de faire croire qu'il a agi sous la contrainte mais qu'il désapprouvait ce qu'il a fait durant des mois jour après jour.

 Le tribunal, après avoir démontré comment prétendre avoir agi contre son gré n'avait aucun sens, a finalement donné une peine de quatre ans et demie de réclusion, arguant du fait que l'accusé avait déjà été condamné à quinze ans pour une autre affaire : sa participation aux euthanasies du programme T4 (qui concernait notamment les handicapés et les malades mentaux, puis les tuberculeux). Je vous laisse considérer la chose : s'il vous arrivait de tuer votre voisin demain, vous seriez condamné à la même peine globale de prison que cet individu.

Les procès des camps

Le procès de Lüneburg, du 17 septembre au 16 novembre 1945, a été mis en place par un tribunal militaire Britannique. Il était destiné à juger les responsables des camps de Bergen-Belsen et d'Auschwitz. Onze inculpés furent condamnés à mort, parmi lesquels Irma GRESE, Franz HÖSSLER (par ailleurs chef d'Auschwitz I de juillet 1944 à janvier 45) et Josef KRAMER (dernier commandant de Bergen-Belsen après avoir été celui de Birkenau). 19 des autres accusés furent condamnés à des peines de prison.

Le procès de Dachau, au sens strict, a dû avoir lieu de mars à août 46. En fait les informations sont confuses parce qu'il semble y avoir plusieurs procès regroupés sous cette appellation, qui se sont succédé, concernant aussi les camps de Buchenwald, Flossenbürg et Mauthausen. Le jugement d'Ilse KOCH de Buchenwald par exemple (prison à vie) a été annoncé en août 47. Donc selon ce que l'on considère, un seul ou l'ensemble des procès, il y avait de 40 à 74 accusés (parmi lesquels Martin WEISS commandant de Dachau, Wilhelm WAGNER, et Franz ZIEREIS commandant de Mauthausen), tous plaidaient non coupable, comme ce fut le cas presque systématiquement dans tous ces procès. 36 à 58 furent condamnés à mort, 3 à 22 à la prison à perpétuité et 8 à des peines de 10 à 20 ans.

 

Irma Grese

Irma Grese, née le 7 octobre 1923 à Wrechen (Feldberger Seenlandschaft, actuel Arrondissement de Mecklembourg-Strelitz) et pendue le 13 décembre 1945 à la prison de Hameln, était Aufseherin (gardienne auxiliaire Hilfspersonal SS) dans les camps de concentration nazis de Ravensbrück, Auschwitz et de Bergen-Belsen. Surnommée la hyène de Belsen à cause de son comportement particulièrement cruel et pervers à l'égard des prisonniers, elle reste l'une des criminelles nazies les plus connues.

En 1923, Alfred et Bertha Grese, un couple d'agriculteurs allemands, donnent naissance à Irma dans la commune de Wrechen, près de Pasewalk (Mecklembourg). En 1936, Bertha se suicide. En 1938, Irma, qui a alors quinze ans, quitte l'école où elle communique très peu avec ses camarades et semble passionnée par la Bund Deutscher Mädel (Ligue des Jeunes Filles allemandes, pendant féminin des Jeunesses hitlériennes). Entre 1938 et 1942, elle a plusieurs emplois : elle travaille dans une ferme, est vendeuse dans un magasin pour finalement devenir aide-soignante dans un hôpital de la Schutzstaffel (SS). Ne parvenant pas à devenir infirmière, elle s'engage et pratique ses classes dans l'école des gardiennes auxiliaires SS (Aufseherin) à Ravensbrück. À ce moment, son père la renie.

L'Ange blond d'Auschwitz

En été 1942, elle est engagée par la SS. En mars 1943, Irma termine sa formation et est mutée au camp d'Auschwitz en tant qu'Aufseherin ; elle monte facilement les échelons et devient Oberaufseherin (surveillante-chef) en automne, au camp C de Birkenau. Elle est paradoxalement surnommée l'ange blond d'Auschwitz: elle a sous sa coupe plus de 30 000 déportés, dont 18 000 femmes. En janvier 1945, après le démantèlement d'Auschwitz, elle retourne un temps servir à Ravensbrück, puis, quelques mois plus tard, à Bergen-Belsen. Ici, elle est nommée Arbeitsdienstführerin (chef du service au travail) en mars 1945, avant d'être arrêtée par l'Armée britannique le 17 avril avec d'autres employés de la SS.

Elle correspondait aux critères raciaux des Nazis : grande, blonde, forte ; elle avait même, selon Olga Lengeyel, un visage d'ange.

Procès (automne 1945)

Grese fait partie des 44 personnes accusées de crimes de guerre au procès de Belsen. Elle est jugée entre le 17 septembre et le 17 novembre 1945 sans reconnaître ce qui lui est reproché. Les témoins l'accusent de mauvais traitements et d'assassinats de détenus, ce qui est contraire à la Convention de Genève de 1929. Elle aurait pratiqué des fusillades massives, des exécutions individuelles au pistolet, donné des coups de fouet, sélectionné des prisonniers pour les chambres à gaz, fait subir des humiliations sexuelles et enfin lâché des chiens affamés sur les détenus. Elle reconnaît cependant avoir porté un fouet tressé dans ses bottes ainsi qu'un pistolet. Elle avoue par ailleurs avoir pris du plaisir à tuer des prisonniers gratuitement et à les voir hurler de souffrance. Elle ne se dira jamais coupable : C'était notre devoir d'exterminer les éléments anti-sociaux afin d'assurer l'avenir de l'Allemagne.

Grese et onze autres personnes sont déclarées coupables de crimes à Auschwitz et à Belsen, puis sont condamnées à mort. Parmi elles, on retrouve Johanna Bormann, ainsi qu’Elisabeth Volkenrath. Le 13 décembre, Irma est pendue dans la prison de Hamelin par le bourreau britannique Albert Pierrepoint. Son dernier mot a été : Schnell ! (Vite !). Ce jour-là, 3 femmes et 10 hommes furent pendus à 30 minutes d'intervalle, les hommes par paires, les femmes individuellement.

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Elisabeth Volkenrath

Elisabeth Volkenrath, née le 5 septembre 1919 à Schönau an der Katzbach (aujourd’hui Świerzawa), en Silésie, et pendue le 13 décembre 1945 à Hameln, en Basse-Saxe, était une Aufseherin (gardienne-chef), responsable SS dans différents camps de concentration nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Volkenrath fut formée sous la responsabilité de Johanna Langefeld au Camp de concentration de Ravensbrück pendant l'année 1941. Elle fut affectée en octobre 1942 à Auschwitz-Birkenau comme Aufseherin avec sa sœur Gertrud Weininger-Mühland. Toutes furent promues au grade de Rapportführerin (chef de rapport). En novembre 1944, elle fut promue Oberaufseherin (surveillante-chef) et supervisa trois pendaisons.

Le commandement du camp des femmes, qui était séparé de celui des hommes par la voie de chemin de fer, fut assuré tour à tour par Johanna Langefeld, Maria Mandel, et Elisabeth Volkenrath. Elle travaila au camp de Bergen-Belsen comme gardienne en chef. Elle fut arrêtée en avril 1945 par l'Armée britannique.

Procès

Jugée, avec 44 autres responsables du camp de Bergen-Belsen, entre le 17 septembre et le 17 novembre 1945 à Lunebourg, Elisabeth Volkenrath a été condamnée à mort par la justice militaire britannique et pendue à la prison de Hameln le 13 décembre suivant, par le bourreau britannique Albert Pierrepoint. Elle avait 26 ans.

Ce jour-là, 3 femmes et 10 hommes furent pendus à 30 minutes d'intervalle, les hommes par paires, les femmes individuellement.

Franz Hössler 1906–1945

Josef Kramer

Josef Kramer (10 novembre 1906, Munich –13 décembre 1945, Hamelin) était un militaire nazi qui occupa la fonction de commandant du camp de concentration de Struthof, puis de Bergen-Belsen entre le 2 décembre 1944 et le 15 avril 1945, moment de la libération du camp par les britanniques. Il fut reconnu coupable de crimes de guerre et pendu a la prison de Hamelin peu après la chute du IIIe Reich. Il rejoint le NSDAP en 1931 et les Schutzstaffel (SS) en 1932, où ses fonctions l'amènent à travailler dans les prisons allemandes puis dans les camps de concentration. En 1934, il fut assigné comme simple garde dans le camp de concentration de Dachau mais bien noté, il gravit rapidement les échelons pour finalement obtenir un poste important au sein du camp de concentration de Sachsenhausen et Mauthausen. En 1940, il devint l'assistant de Rudolf Höss alors le commandant de camp d’Auschwitz et un an plus tard, commandant du camp de Struthof en Alsace. En 1942, Kramer fut promu au rang de Hauptsturmführer (soit capitaine). De mai 1944 à décembre 1944, il fut en charge des chambres à gaz du complexe d'Auschwitz-Birkenau avant finalement d'être muté et promu, le 2 décembre 1944, commandant général du camp de concentration de Bergen-Belsen, jusqu'au 15 avril 1945. Surnommé la Bête de Belsen par les déportés du camp de Bergen-Belsen, il fut un des criminels nazis les plus connus car il participa activement à la mort de plusieurs milliers de personnes.
Joseph Kramer et 44 autres responsables nazis (dont 15 femmes) furent mis en accusation au procès de Bergen-Belsen par la cour militaire britannique à Lüneburg. Le procès dura quelques semaines entre septembre et novembre 1945. Kramer fut condamné à mort le 17 novembre 1945 et pendu à Hamelin par Albert Pierrepoint le 13 décembre 1945.

d'Ilse Koch

Ilse Koch, née Margarete Ilse Köhler le 22 septembre 1906 à Dresde et morte le 1er septembre 1967 est une Aufseherin du Troisième Reich. Elle est célèbre pour sa cruauté vis-à-vis des prisonniers logés dans les camps de concentration allemands. Surnommée « la chienne de Buchenwald ou la sorcière de Buchenwald (Die Hexe von Buchenwald), elle fut l'épouse de Karl Koch, le premier commandant du camp de concentration de Buchenwald.Condamnée à la perpétuité par le Tribunal militaire international de Dachau en 1947, sa peine est réduite par une commission de révision et elle fut libérée par le général Lucius Clay, gouverneur militaire américain, deux ans plus tard. Remise immédiatement à la justice ouest-allemande, elle est condamnée à la prison à vie en janvier 1951, pour dénonciation et incitation au meurtre sur des prisonniers allemands. Elle se suicida dans la prison bavaroise pour femmes d’Aichach le 1er septembre 1967.

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Karl Otto Koch

Karl Otto Koch (2 août 1897 - 5 avril 1945) est un nazi allemand. Colonel dans la Schutzstaffel (SS), il fut le premier commandant du camp de concentration nazi de Buchenwald (de 1937 à 1942), et ensuite du camp de Lublin (Majdanek). Koch fut arrêté en août 1944 par les nazis pour incitation au meurtre de deux prisonniers, escroquerie et marché noir dans les camps. Le procureur était le juge SS Konrad Morgen, qui était lui-même en mission. Après six mois d'enquête, Koch et son épouse Ilse Koch sont condamnés à mort. L'exécution de Karl Koch a eu lieu le 5 avril 1945, une semaine avant l'arrivée des alliés.

 Martin Weiss

 Wilhelm Wagner 

Franz Ziereis

Le premier procès d'Auschwitz eut lieu fin 1947. Il se tint à Cracovie (à 60 kms du camp d'Auschwitz). Les accusés étaient au nombre de 40, parmi lesquels furent condamnés à mort et exécutés : Hans Aumeier, Maximilian Grabner, Arthur Liebehenschel, Maria Mandel (qui fut surveillante à Lichtenberg puis à Ravensbrück avant de devenir chef du camp des femmes à Birkenau), Erich Muhsfeldt (qui participa aussi à l'extermination menée à Majdanek). Lors de ce procès, trois anciens membres des Sonderkommandos témoignèrent, dont les dépositions sont sur le site (sous rubrique les témoins). Des rubriques spécifiques sont consacrées à ce procès sur ce site.

Le procès dit de Treblinka eut lieu à Düsseldorf. Il concernait dix accusés et près de cent témoins ont déposé. Kurt Franz (né le, 17 janvier 1914) a été condamné à la prison à vie pour le meurtre d'au moins 300.000 personnes bien qu'il se déclarait innocent, comme d'ailleurs plus ou moins tous les autres accusés de ce procès. Il fut libéré en 1993 et mourut en 1998. Il était à Belzec avant de devenir commandant du camp de Treblinka, où il succédait à Christian Wirth. Trois autres accusés ont été condamnés avec Kurt Franz aux "travaux forcés à vie" (peine maximale alors en vigueur en Allemagne), il s'agit de Heinrich Matthe, August Miete (libéré pour sénilité) et Willi Mentz. Les cinq autres condamnations étaient des peines de 3 à 12 ans de prison.

Le second procès d'Auschwitz eut lieu à Francfort d'octobre 1963 à août 1965. Ce fut un procès considérable avec 319 témoins, couvert par 150 journalistes du monde entier. Les accusés étaient au nombre de 22. Grâce à Digitale Bibliothek  ce procès est désormais disponible en DVD (voir médiagraphie). Il contient une somme considérable d'informations. Nous étudierons plus précisément celles qu'il apporte à notre sujet dans les sous rubriques de ce chapitre et en particulier les témoignages des trois anciens membres de Sonderkommandos. 

 Hans Aumeier

Maximilian Grabner

Arthur Liebehenschel

Erich Muhsfeld

Maria Mandel

Maria Mandl (plus souvent orthographié par erreur Maria Mandel), née le 10 janvier 1912 à Münzkirchen en Autriche – à la frontière allemande près de Passau et exécutée par pendaison le 24 janvier 1948 à Cracovie en Pologne, était gardienne SS (Aufseherin) des camps de concentration. En octobre 1938, elle fut intégrée dans le personnel du camp de Lichtenburg comme Aufseherin (gardienne SS). Elle y travailla avec environ 50 autres femmes qui comme elles appartenaient toutes à la SS. En mai 1939, elle fut envoyée avec d'autres gardiennes dans le camp de concentration nouvellement ouvert de Ravensbrück près de Berlin. Les mauvais traitements qu'elle infligeait aux détenues impressionnèrent favorablement ses supérieurs - elle fut promue au grade d'Oberaufseherin. Dans ce camp, elle supervisait les travaux quotidiens et l'installation des Aufseherinnen qui étaient sous ses ordres. Sous son commandement, les détenues subirent la loi de ces traitements cruels (des coups et du fouet).

En octobre 1942, Mandl fut mutée dans le Camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau et nommée SS-Lagerführerin. Là, elle fut surnommée par les autres la Bête féroce. Elle sélectionnait les détenues pour la chambre à gaz et participait aux mauvais traitements et humiliations. Surtout, elle prenait plaisir à sélectionner les enfants qui devaient mourir. Elle créa l'orchestre du camp d'Auschwitz. Witold Pilecki résistant polonais déporté à Birkenau en donne le portrait suivant :

Un des monstres les plus odieux de ce camp des femmes de Birkenau, est une garde travaillant depuis longtemps dans le camp, Mandl. Cette femme est la pire des sadiques qu’on puisse imaginer. Déjà dans le camp de concentration de Ravensbruck, elle était chargée du bloc correctionnel, elle a fait mourir de faim beaucoup de femmes et d’enfants. Cette femme pensait aux pires sanctions et pouvait sans mauvaise conscience regarder les femmes tomber et rester dans l’impossibilité de se relever sous les coups et les tortures qu’elle leur infligeait. Elle donnait systématiquement 25 coups de bâtons. À Birkenau elle est devenue la garde la plus ancienne et elle peut tranquillement laisser libre cours à son sadisme. Elle cherchait avec le plus grand plaisir les personnes à gazer et à punir. En général, ces sanctions n’avaient aucune raison d’être, juste parce que quelqu’un ne bougeait pas assez vite à ses côtés ou autres raisons de ce genre.

En mai 1945 après la libération du camp de Dachau par l'armée américaine, Mandl fuit de Mühldorf, l'annexe du camp principal où elle était alors affectée depuis novembre 1944, vers les montagnes du sud de la Bavière, avant de trouver refuge dans sa ville natale, à Münzkirchen en Haute-Autriche, non loin de la frontière allemande.

Mandl sera arrêtée le 10 août 1945 par l'US Army. Après avoir été interrogée sur ses activités dans les camps, elle sera extradée vers la Pologne en novembre 1946. Traduite devant le tribunal de Cracovie, un an plus tard (en novembre 1947), elle sera reconnue coupable et condamnée à mort. Maria Mandl sera pendue le 24 janvier 1948 à l'âge de 36 ans. Ses derniers mots ont été : Vive la Pologne.

Kurt Franz

Heinrich Matthe

August Miete

Le procès de Belzec eut lieu en 1965. Il concerna 8 inculpés (dont Josef Kaspar Oberhauser) pour lesquels il y eut 7 relaxes sur le motif qu'ils ont obéi aux ordres. Sans doute le fait qu'il n'y ait que deux survivants connus de ce camp, dans lequel on allait directement vers la chambre à gaz dès la descente du train, explique-t-il aussi cette clémence.

Le dernier procès de Treblinka eut lieu en 1970. Franz Stanl y comparut, il fut commandant du camp. Il n'a pu être jugé qu'en 1970, après son extradition du Brésil. Il a déclaré lors de ce procès qu'en période de grande affluence jusqu'à 18.000 Juifs ont été tués par jour. Il a été condamné à perpétuité et est mort en prison en 1971.

En Autriche, différents procès ont concerné les SS d'Auschwitz. Il y eut notamment celui de Walter Djaco et Fritz Ertl du 18 janvier au 10 mars 1972 concernant la construction des crématoires. Dejaco était au Plannungsbüro depuis 1940 et est resté à Auschwitz alors qu’Ertl s'est porté volontaire pour le front en 42. Les deux sont sortis libres du tribunal. Il y eut aussi le procès d’Otto Graf et Franz Wunsch du 25 avril au 27 juin 1972. Graf était Aufseher, il faisait partie de la Stabskompanie. Des témoins l'ont reconnu comme étant le SS surnommé Gaskassier, celui qui versait le Zyklon B. Wunsch était Kommandoführer au Kanada. Les deux étaient notamment accusés d'avoir participé à l'élimination de membres du SK. Ils furent considérés comme innocents et remis en liberté à l'issue du procès.

Le procès de Majdanek débuta le 26 novembre 1975 à Düsseldorf. Il concernait 15 accusés, 9 hommes et 6 femmes. Le principal accusé était Hermann HAackmann (qui était aussi à Sachsenhausen et Buchenwald). Il y avait également Hermine Ryan (qui avait déjà été accusée lors d'un procès à Vienne pour ses activités de surveillante à Ravensbrück et condamnée à trois ans de détention).

La défense a mis tant d'obstacles que les interrogatoires des accusés n'ont pu commencer qu'un mois et demi après l'ouverture du procès. Il a ensuite duré si longtemps que divers témoins et un accusé sont morts durant ce laps de temps. Un autre accusé sera libéré pour raisons de santé. Au bout de 3 ans 1/2, la procédure contre 4 des accusés est abandonnée (libérés le 19 avril 79). Le public est horrifié lit-on dans la presse de l'époque. Le 30 juin 1981 les jugements sont (enfin) annoncés: prison à vie pour Hermine Ryan (sera graciée en 1996, morte en 1999), 7 peines de prison de 3 à 12 ans et un nouvel acquittement. Des manifestants défilent, parmi lesquels certains survivants avec leurs tenues rayées, une banderole Jammerbild der Justizpraxis (tableau de désolation de la pratique judiciaire). L'indignation se mêle à la consternation.

Josef Kaspar Oberhauser

Franz Stangl

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Hermine Ryan Braunsteiner

Hermine Braunsteiner née le 16 juillet 1919 à Vienne en Autriche morte le 19 avril  1999, à Bochum, est une gardienne de camp (Aufseherin) de concentration nazi. Elle est le premier criminel de guerre nazi à avoir été extradée des États-Unis. Elle est la cadette d'une famille d'ouvriers catholiques pratiquants; son père Friederich est boucher, elle travaille dans une brasserie. Comme elle ne trouve pas de quoi financer une formation d'infirmière, elle travaille comme femme de chambre. En 1937 et 1938, elle travaille en Angleterre en tant que domestique et ménagère chez un ingénieur américain.

La guerre 39-45

En 1938, du fait de l'Anschluss, elle devient citoyenne allemande ; elle revient à Vienne, puis déménage et trouve un emploi chez l'avionneur Heinkel à Berlin. Sur l'insistance de son logeur, elle postule à un poste susceptible de lui garantir de bonnes conditions de travail et un bien meilleur salaire : gardienne de prisonniers. Le 15 août 1939, elle commence une formation de gardienne SS au camp de concentration de Ravensbruck sous l'égide de Maria Mandel. Quelques années plus tard, en raison d'un différend avec Mandel, elle demande à être transférée.

Le 10 octobre 1942, elle prend ses fonctions à l'usine de textiles dans le camp de concentration et d'extermination de Maïdanek près de Lublin en Pologne. Elle est promue assistante gardienne en janvier 1943 sous l'autorité de l'oberaufseherin Elsa Ehrich. C'est dans ce contexte que Braunsteiner se livre à de nombreuses exactions ; elle prend personnellement part aux sélections qui conduisent des femmes et des enfants aux chambres à gaz, et bat à mort des prisonnières.

En exerçant ses fonctions aux côtés d'autres gardiennes telles Elsa Ehrich, Martha Ulrich, Alice Orlowski, Erna Wallisch et Elisabeth Knoblich, Braunsteiner a tué des êtres humains par imitation et émulation, ce qui lui a valu le surnom de jument servileElle reçoit la croix du mérite de guerre en 1943 pour service rendu.

Elle reçoit en janvier 1944 l'ordre de revenir à Majdanek avant qu'on évacue le camp. Elle est promue gardienne en chef de la prison de Genthin, annexe du camp principal qui se trouve dans les environs de Berlin.

Après guerre

Le 7 mai 1945 face l'avance de l'Armée rouge elle quitte le camp et s'installe à Vienne. La police autrichienne l'arrête et la livre aux forces d'occupation britanniques. Elle est incarcérée du 6 mai 1946 au 18 avril 1947. Elle est condamnée par le tribunal de Graz pour mauvais traitements, actes de torture et crimes contre la dignité humaine et l'humanité, à trois ans de prison. En avril 1950, elle est libérée et un tribunal civil autrichien lui accorde l'amnistie. Elle trouve du travail dans les hôtels et restaurants, puis émigre en Nouvelle-Écosse au Canada où elle se marie en 1958 avec un touriste américain rencontré en Autriche, un certain Russel Ryan. En avril 1959, elle émigre aux États-Unis et acquiert la citoyenneté américaine en 1963.

La traque

C'est alors que Simon Wiesenthal, le célèbre chasseur de nazis alerté par un article de presse à Tel Aviv, remonte sa trace de Vienne à Halifax pour aboutir Toronto au quartier du Queens à New York. Il alerte le journal New York Times qui envoie un reporter, Joseph Lelyveld, enquêter dans les faubourgs du Queens à la recherche d'une certaine Mrs Ryan.

Il la retrouve et les premiers mots de Mrs Ryan sont : Mon Dieu! Je savais que ça arriverait, vous êtes là. Le 22 août 1968, les autorités américaines entament une procédure pour lui enlever sa citoyenneté américaine. Sa naturalisation est levée en 1971 pour avoir caché à l'administration américaine des actes criminels. Le procureur de Düsseldorf demande son extradition pour complicité de crimes de guerre, mais la Cour fédérale rejette la demande en invoquant dans un premier temps une dimension politique des charges retenues contre Braunsteiner, puis le caractère illégal de la double incrimination et qu'à ce titre elle ne peut être extradée. L'année suivante, elle comparaît avec son mari devant une Cour de district du Queens où des survivants des camps l'accablent de leurs témoignages. Sur cette base judiciaire, le 1er mai 1973, le juge américain notifie au ministre de la Justice l'extradition de Braunsteiner et le 7 août 1973 Braunsteiner est extradée vers l'Allemagne.

La justice

Elle est jugée à Düsseldorf à partir du 26 novembre 1975 en compagnie de 15 autres gardes SS de Maidanek. Sur les neuf chefs d'accusation, six n'ont pas été retenus pour insuffisance de preuves, trois ont été retenus par le tribunal, à savoir : assassinat de 80 personnes, incitation à assassinat sur 102 enfants et complicité d'assassinat sur mille personnes. Hermine Braunsteiner a été condamnée le 30 juin 1981 à la réclusion criminelle à perpétuité. En 1996, pour raisons de santé, elle bénéficie d'une grâce médicale. Elle meurt le 19 avril 1999 à Bochum en Allemagne.

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Walter Dejaco
1909-1978

Walter Dejaco est un des architectes des crématoires il est Bauleiter (chef de chantier) à Auschwitz, puis à Gross Rosen, enfin à Breslau. Fait prisonnier par les Soviétiques il passe 5 ans en captivité. Il est ensuite architecte en Autriche. Il est acquitté par un tribunal autrichien en 1972, ne regrette rien de son passé, estimant avoir suffisamment payé ses erreurs de jeunesse par ses 5 années de captivité chez les Rouges.

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Fritz Karl Ertl 1908-1972

Les 10 criminels nazis les plus recherchés

Sandor Kepiro

Sandor Kepiro, 97 ans, un des derniers criminels de guerre nazis encore vivant, sera jugé à Budapest. L'affaire pourrait être un des derniers, sinon le dernier des grands procès de la Seconde Guerre mondiale.

Sandor Kepiro est né en 1914 en Hongrie. Titulaire d’un doctorat en droit, il a exercé dans un premier temps la profession d’avocat.
Peu d’informations relatent le parcours de Sandor Kepiro avant qu’il ne s’engage dans la gendarmerie royale ; il est promu capitaine dans la gendarmerie hongroise lors de la Seconde Guerre Mondiale.

En janvier 1942, plus exactement durant les 21, 22 et 23 janvier, se déroule l’opération dénommée Razzia à Novi Sad, deuxième plus grande ville de Serbie, située dans le département de Vojvodine, au bord du Danube. A l’époque, Novi Sad abrite un certain nombre de Juifs et de Tziganes. La ville serbe est sous occupation hongroise.
Dès le 21 janvier 1942, l’administration hitlérienne n’a même pas besoin de faire pression sur les autorités hongroises pour que l’extermination des Juifs, Tziganes et de certains Serbes commence à Novi Sad. C’est une petite rébellion de la communauté juive de Novi Sad qui aurait servi de prétexte à la vague d’arrestations individuelles, de tortures et d’exécutions menées par la gendarmerie hongroise et un régiment de l’armée serbe.

Selon le témoignage recueilli d’un des membres de la gendarmerie hongroise ayant participé à cette opération, les gendarmes ne s’attendaient pas à se rendre à Novi Sad ce matin du 21 janvier. Ils ont pris le train, à destination de Roumanie, pensaient-ils ; le commandant Kepiro les auraient alors informés qu’ils devaient mener une opération à Novi Sad, en principe contre les résistants. Les gendarmes avaient pour ordre d’aller chercher les habitants en leur demandant de ne prendre que le strict nécessaire, puis de les amener dans des maisons afin de contrôler leur identité. Le commandant Kepiro n’aurait pas directement assassiné ces civils mais aurait organisé le tri entre les Juifs et les non- Juifs, ainsi que les Tziganes, à l’occasion du contrôle d’identité. Il les aurait ensuite confiés aux militaires. Amenés sur les bords du Danube gelé, les détenus font la queue, attendant leur tour pour être assassinés.

Ce sont les autorités de Budapest qui demandent de mettre fin au massacre le 23 janvier. En trois jours, les corps d’entre 1,500 et 3,000 hommes, femmes et enfants, Juifs pour la plupart, ont été jetés dans le Danube.
En janvier 1944, Sandor Kepiro est rattrapé par la justice de son pays: le Tribunal Militaire le dégrade et le condamne à 10 ans de prison.

John Demjanjuk

En 18 mois de procès, l'accusé n'a rien dit, suivant la procédure bouche ouverte, le regard caché par des lunettes noires, assis dans un fauteuil roulant ou allongé sur un brancard. Il s'est seulement dit par l'intermédiaire de son avocat torturé par l'Allemagne.

La justice allemande a toutefois décidé de libérer John Demjanjuk, 91 ans, en attendant le procès en appel.

Depuis sa chaise roulante, il n'a pas réagi à l'énoncé du verdict. Près de 70 ans après les faits, l'ancien garde du camp nazi d'extermination de Sobibor, John Demjanjuk, a été reconnu coupable jeudi de complicité dans l'extermination de 27.900 Juifs. La justice allemande a condamné le nonagénaire à cinq ans de prison. Au bout de 18 mois de procès, le tribunal de Munich a estimé que cet apatride d'origine ukrainienne avait bien été garde à Sobibor durant six mois en 1943. En l'absence de survivants capables de le reconnaître et de témoigner à charge contre lui, les débats se sont focalisés sur l'authenticité d'une carte de SS à son nom. La défense de John Demjanjuk a toujours maintenu que celle-ci était une fausse, fabriquée par les Soviétiques du KGB.

Cependant en raison de l'âge avancé de John Demjanjuk, 91 ans, le tribunal a décidé de le libérer dès jeudi. Le retraité, qui compte faire appel, ne présente aucun risque de fuite. Etant apatride, ne disposant d'aucun document d'identité, il ne peut quitter l'Allemagne. De plus, outre-Rhin, il n'est pas inhabituel que les prévenus soient relâchés en attendant leur comparution en appel.

La peine prononcée jeudi est inférieure aux réquisitions. Le procureur avait demandé six ans. Le retraité a toujours clamé son innocence. Il affirme avoir été détenu dans le camp de prisonniers de Chelm en Pologne après avoir été capturé par la Wehrmacht. Après avoir été transféré dans le sud de l'Allemagne pour travaux forcés, il aurait été incorporé dans l'armée Vlassov, une unité anti-communiste de prisonniers de guerre luttant aux côtés des Allemands contre les Soviétiques dans les derniers mois de la guerre. Mais selon l'accusation, prisonnier de guerre, John Demjanjuk est devenu pour survivre, auxiliaire volontaire chez les SS.

Trente ans de démêlés judiciaires

Né en 1920 en Ukraine, Demjanjuk émigre au début des années 1950 aux Etats-Unis, où il se présente comme un déplacé de guerre ukrainien, victime des nazis. Il décroche un job chez Ford à Cleveland et devient citoyen américain. La justice le rattrape au début des années 1980 quand Israël obtient son extradition. L'état hébreu croit reconnaître en lui «Ivan le terrible», un garde de Treblinka et le condamne à mort en 1988. L'effondrement de l'Union soviétique sauve l'ouvrier retraité. Les archives russes remontent jusqu'au vrai « Ivan », complice de l'extermination de 800.000 Juifs : un certain Iwan Martschenko. En 1993, la Cour suprême israélienne casse le jugement et le libère. Il faudra cinq ans à John Demjanjuk pour recouvrer sa nationalité américaine.

Mais il en est déchu à nouveau en 2002 lorsqu'il est identifié comme un garde de Sobibor. Il est finalement extradé vers l'Allemagne en mai 2009 à l'issue d'une longue polémique sur sa santé qu'il présente comme chancelante. Après l'Allemagne, Madrid veut le juger pour avoir été garde dans un autre camp où sont morts des prisonniers espagnols. Son procès est sans doute l'un des derniers des crimes nazis, avec celui du Hongrois Sandor Kepiro, 97 ans, qui vient de débuter à Budapest.

John Demjanjuk pendant son procès à Jérusalem le 25 avril 1988

Combien de bourreaux, à l'instar de Demjanjuk, vivent encore de par le monde, et combien y en a-t-il eu au total ? L'Allemagne est prête à juger celui que la quasi-totalité des journaux allemands présentent comme le dernier criminel nazi. La date exacte du début du procès d'Ivan (John) Demjanjuk, extradé des Etats-Unis vers Munich, n'est pas encore connue. Et l'on ignore tout autant comment il s'achèvera. Mais son expulsion de Cleveland, son transfèrement à Munich et son prochain procès ont suscité une très grande résonance tant en Allemagne qu'aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde. Et il est assez normal que le dernier procès nazi suscite une telle résonance.

A voir toute cette procédure judiciaire, on a le sentiment étrange d'assister au dernier assaut, à une victoire colossale, difficilement obtenue grâce aux efforts de centaines de fonctionnaires et de juges d'instruction. Elle présente, en effet, toutes les composantes d'un triomphe définitif.

L'horloge biologique de la Seconde Guerre mondiale s'arrêtera dans quelque 5 à 8 ans, car les plus jeunes criminels nazis auront alors cent ans ou plus, et il ne sera plus utile de recourir à la justice. Par conséquent, il faut organiser un procès, pour la dernière fois, pour rappeler à la jeune génération ce qui s'est réellement passé, afin de barrer résolument la route à toutes velléités de résurgence du nazisme.

C'est nécessaire, car quand on entend dire que les camps de concentration n'ont pas existé, que la Wehrmacht était pure et que les exécutions ont été perpétrées seulement par les SS, cela donne froid dans le dos. On ne peut que remercier, par exemple, le Centre Simon Wiesenthal qui continue, malgré le manque d'argent, de rechercher les anciens criminels et fait tout ce qu'il peut pour que les victimes ne soient pas oubliées. Mais il est encore plus étrange et épouvantable, dans ce contexte, de lire et d'entendre d'aucuns dire que le nazisme n'est responsable que de l'extermination massive de Juifs: ils reconnaissent l'extermination, mais affirment que tout est exagéré.

Quant aux millions de Russes, Biélorusses, Ukrainiens, Géorgiens et Ouzbeks, on ne s'en souvient carrément pas. Certes, il y a eu des morts, car c'était la guerre. Mais on ne comprend pas pour quoi ont combattu ces peuples esclaves ni pourquoi ils ont vaincu. Et ils vivent plus mal que ceux qui ont perdu la guerre. En général, on frémit en lisant les souvenirs de guerre publiés en Occident: la contribution soviétique n'y est mentionnée qu'en tant que force d'appoint à la glorieuse victoire remportée par les troupes anglo-saxonnes en Normandie et dans le Pacifique.

Un grand tapage est mené d'ordinaire pour dissimuler soit ce qui n'a pas du tout été fait, soit ce qui n'a pas été fait jusqu'au bout: que cela ait été fait exprès, par négligence ou par erreur, cela n'a pas d'importance. C'est ce qui se passe avec les criminels nazis. On a déployé tellement d'efforts pour les faire oublier que n'importe quel criminel appréhendé est exhibé à présent comme un trophée. Sa capture est entourée d'une telle jubilation qu'elle relègue à l'arrière-plan l'hypocrisie qui a accompagné pendant plus de 60 ans les recherches de nazis.

Contrairement à une opinion largement répandue, on n'a absolument pas vu des centaines de milliers de nazis se retrouver dans la clandestinité et dans une situation d'illégalité à la fin de la guerre. Ils ont tout simplement troqué l'uniforme pour des vêtements civils et ont falsifié leurs papiers. De nombreux criminels n'ont même pas pris la peine de le faire. Selon les estimations de Fritz Bauer, célèbre juge et procureur allemand, plus de 100.000 nazis impliqués d'une manière ou d'une autre dans les massacres de l'Holocauste ont vécu et travaillé tranquillement (entre autres, dans des structures fédérales) dans les années 1950, 60 et 70 en Allemagne. Selon d'autres estimations, leur nombre dépassait les 300.000. Durant toute la période de l'après-guerre, moins de 5.000 criminels nazis ont été identifiés et condamnés (dans la plupart des cas, avec sursis) en République fédérale d'Allemagne. L'Occident avait besoin d'une Allemagne de l'Ouest forte, il n'avait pas le temps de s'en prendre aux nazis, car nombre d'entre eux s'étant intégrés dans la société allemande faisaient partie du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, explique Jean-Marc Dreyfus, professeur à l'Université britannique de Manchester, éminent expert du nazisme. Leur élimination aurait affaibli l'Allemagne de l'Ouest face à la Russie et à la RDA. Une chose que personne ne pouvait admettre.

Les choses ne se sont pas mieux passées aux Etats-Unis, surtout si l'on tient compte qu'il s'agit d'un pays ayant participé à la coalition antifasciste. Aucun criminel nazi n'a été extradé des Etats-Unis jusqu'en 1973. Ce n'est qu'en 1973 que l'Amérique a extradé (grâce à l'insistance du Centre Wiesenthal) Hermine Brauensteiner-Ryan, ancienne gardienne du camp de Majdanek.

Au total, quelque 90 personnes ont été expulsées, depuis, des Etats-Unis. Personne ne connaît, semble-t’il, le nombre exact de bourreaux qui, à l'instar d'Ivan Demjanjuk, ont vécu et vivent encore en Amérique. Pourtant, la majeure partie des collaborationnistes d'Ukraine, de Biélorussie et des pays Baltes se sont installés dans ce pays durant les dix premières années de l'après-guerre. On leur a accordé la citoyenneté (comme à Ivan Demjanjuk) et on a fermé les yeux sur leurs faux papiers, leurs biographies inventées et leur travail dans des camps de concentration. Si nombre d'entre eux ont été recherchés, c'était uniquement en vue de les utiliser pour les besoins de la CIA en URSS et dans les pays du camp socialiste.

Comme l'a reconnu, à la veille du transfert d'Ivan Demjanjuk à Munich, Eli Rosenthal, chef du Bureau des investigations spéciales (OSI) du ministère de la Justice des Etats-Unis (bureau des chasseurs de nazis), pour démasquer tous les nazis et leurs acolytes se trouvant aux Etats-Unis, il faudra une centaine d'années, à la vitesse actuelle des recherches. Il s'agit de dizaines de milliers de personnes. Mais d'ici une dizaine d'années, il n'y aura plus personne à rechercher. Tous seront décédés, de mort naturelle.

La procédure de recherche est des plus simples, aux Etats-Unis. Les Américains collationnent les listes des 70.000 membres des SS obtenues en Allemagne et introduisent leurs noms et leurs photos dans des ordinateurs dans l'espoir de trouver des citoyens des Etats-Unis correspondant à ces données.

Au total, 37 anciens criminels nazis ont été condamnés au cours des huit dernières années (entre 2001 et 2008). Selon la pratique instaurée, les Américains les renvoient, aussitôt après leur condamnation, dans les pays où ils ont commis leurs crimes. Durant cette même période, 26 personnes ont été condamnées en Italie, 6 au Canada, 3 en Allemagne, 2 en Lituanie, 1 en Pologne et 1 en France.

Onze anciens criminels de guerre nazis parmi les plus recherchés, dont Ivan Demjanjuk, figurent actuellement sur la liste du Centre Simon Wiesenthal. Trois d'entre eux ont déjà été identifiés et extradés des Etats-Unis. Mais ils coulent des jours paisibles en Estonie et en Lituanie. Mikhaïl Gorchkov, ancien citoyen de la Biélorussie, privé de la citoyenneté américaine, responsable de massacres de Juifs et de communistes pendant la guerre, vit actuellement en Estonie. Harry Mannil, extradé des Etats-Unis pour avoir exécuté des Juifs et des communistes dans les pays Baltes, réside lui aussi en Estonie. Il a été réhabilité par un tribunal estonien, mais l'entrée aux Etats-Unis lui est interdite. Algimantas Dailide, extradé des Etats-Unis, vit en Lituanie. Privé de la citoyenneté américaine et expulsé vers la Lituanie, il y a été condamné en tant que criminel nazi, avant de bénéficier d'une mise en liberté conditionnelle. 


15/03/2013
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